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Année Mondiale des Mathématiques 2000

Version Française


Nous avons tous besoin d'une culture mathématique

Gérard Grancher

Certes, " on a le droit de ne pas aimer les mathématiques ", mais proposer que les mathématiques deviennent une matière facultative est-ce vraiment une bonne idée1 ?

Certains semblent le croire. Après tout, nos calculatrices de poches sont bien plus efficaces que le plus habile calculateur d'entre nous, et il n'est nullement nécessaire de connaître l'arithmétique pour composer le code de sa carte bancaire, ni d'être féru de codage numérique pour écouter ses disques compacts favoris. Il est de plus en plus difficile, voire impossible, de dominer toutes les technologies de notre quotidien. Alors il est tentant de laisser tout cela aux spécialistes. A chacun selon ses goûts, vous n'aimez pas les maths, n'en faites plus, d'autres en feront pour vous !

Adolescent, je n'éprouvais aucun plaisir à apprendre l'anglais. Aujourd'hui, je ne regrette pas d'avoir appris très tôt une langue dont, trente cinq ans plus tard, j'use quotidiennement. Pourtant je ne crois pas être masochiste.

Pour être citoyen, prendre part aux décisions qui engagent notre société, il faut pouvoir assimiler une information qui contient de plus en plus souvent des données chiffrées2. Même les simples pourcentages sont sujets de manipulations. Le Président de mon Conseil Général ne vient-il pas d'annoncer une " baisse de 5% de la taxe d'habitation ", laissant ses administrés comprendre qu'il s'agit seulement d'une baisse de 5% du taux d'imposition départementale. J'ai calculé, que si la valeur locative de mon logement était revalorisée comme les années précédentes, et si les taux communaux et régionaux restaient fixes, la décision du Conseil Général se traduirait par une baisse d'environ 1% de ma taxe d'habitation3.

Est-on certain que le bachelier littéraire n'aura pas besoin dans sa vie de citoyen de comprendre

Cette liste n'est pas exhaustive.

Bien sûr, le futur ingénieur n'a pas besoin exactement des mêmes mathématiques que le futur professeur de lettres (qui devra quand même calculer les moyennes des notes de ses élèves !). Mais rendre facultatives les maths, ce n'est pas " soulager une souffrance ", c'est proposer à certains de ne pas savoir, de renoncer à comprendre et finalement sans doute les léser. Comment pourrait-on prétendre par exemple être professeur des écoles, et donc enseigner les prémisses mathématiques, si au cours de ses études on a fui, autant que faire se peut, l'enseignement de mathématiques ? Ce n'est pas ce type d'enseignants que je souhaite à mes futurs petits-enfants.

La solution n'est pas de dispenser de mathématiques, ni même d'enseigner aux non-scientifiques un programme mathématique allégé, mais de proposer des thèmes qui soient complémentaires de leur culture littéraire avec une pédagogie adaptée. C'est évidemment plus facile à dire qu'à faire !

     

  1. Voir le billet de Didier Nordon (http://acm.emath.fr/amm/15042000.php3)
  2. A ceux que préoccupe ce thème, on ne peut que conseiller la lecture de l'ouvrage de l'Association Pénombre (Chiffres en folie, petit abécédaire de l'usage des nombres dans le débat public et les médias. La Découverte) et la visite de son site internet http://www.penombre.org/ .
  3. En fait l'annonce faite en février par le Président (UDF, tendance Démocratie Libérale) sera certainement en deçà de la vérité si le projet du Premier Ministre (gauche plurielle, tendance PS) de réforme de la taxe d'habitation voit le jour. Mais le Conseil Général y sera pour pas grand chose !


Gérard GRANCHER est ingénieur de recherche au Laboratoire de Mathématiques Raphaël Salem (CNRS - Université de Rouen).